Imitation De Camus Poem by Marcel Aouizerate

Imitation De Camus

Je me souviens de mon attitude naïve lorsqu'il semblait évident que rien de grand ne se fut accompli sans passion. Et de ces prémisses découlait un dédain pour la modération, comment pouvait-on s'intéresser à Camus, ce moine de la tiédeur face aux forces furieuses du style de Nietszche ou à l'obscurité dense qui rassemble dans une main gigantesque Hegel et Marx, Husserl et Heidegger?

Il se trouve que vingt cinq ans après je tiens a peu près les mêmes discussions « online » mais à fronts renversés: je suis devenu le laudateur, une groupie de philosophe - reproche m'étant fait de voir à tort en Camus un diapason de conduite au lieu d'un comptable de la morale.

Si Camus est un « philosophe de terminale », force est de constater la simplicité de son expression, il avance à découvert: avec lui le drame philosophique se « déroule en plein air ». Tout aussi évidente est sa capacité renouvelée à se soumettre au doute; on cherchera vainement chez lui un cogito sur lequel reconstruire une totalité. Les seules pierres de voute qu'il ait évoquées avec insistance sont celles écroulées des ruines de Tipasa où il se résigna à la disparition d'une identité Franco-Algérienne.

Quand je lis ses textes, du fait de cette absence d'absolu, j'entends une musique qui sonne juste et vient se mêler au registre complet de la voix humaine, de la raison analytique à la poésie la plus haute. Et plus je lis, plus la demande se fait insistante de se tenir au centre, de marcher sur un chemin de crête entre deux idées: la nécessité d'une organisation de nos moyens qui laisse ouverte la détermination individuelle. Il est un impératif donné par Camus à l'homme et c'est de rester vivant jusqu'à l'absurdité de sa fin; il en est un autre adressé à la société et c'est de se tenir à distance afin de respecter ce combat qui se joue avec l'écoulement du temps. La dérogation à ces impératifs rend l'homme et la communauté qui l'entoure proprement malsains, mot que les anglais traduisent en 'insane' et qui dit bien mieux le substrat de folie qu'engendre cette transgression

Je finirai sur une note personnelle. Avant que je rejoigne mon père à Paris - et il me pardonnera car il sait combien sans lui je serais courbe - je fus élevé par ma mère - et elle me pardonnera de même car elle connaît ma dette d'esprit à son égard - elle qui sortait de sa dépression à tâtons comme je sortais de l'enfance.

Avec elle, je fus élevé par mon beau-père - lui aussi me pardonnera car sans son aide, je n'aurais pas constaté si tôt la marqueterie d'un monde construit de détails ténus - et dont l'alcoolisme finit par couvrir d'un champ de colchiques la surface de son âme.

De cette parentèle en archipel, j'ai retenu une leçon que je retrouvais chez Camus à la manière d'un visage familier: il y a une grandeur à ne pas devenir fou.

Saturday, October 11, 2014
Topic(s) of this poem: philosophy
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