Lampedusa Poem by Marcel Aouizerate

Lampedusa

Nous sommes entrainés pour descendre à cette profondeur
Mais dans un premier temps, le spectacle nous a terrassés
Nous avons découvert un magma de chairs enchevêtrées
Impossibles à séparer pour les remonter à la surface
Des grappes de jeunes qui pouvaient avoir l'âge de nos fils
Une mère serrait si fort son enfant que mon collègue,
Un colosse au physique de lutteur grec, ne parvint à
Les détacher, nous ne pouvons pas nous préparer
A de telles scènes où les corps comprimés forment
Un bloc de basalte, une sculpture morte.
A l'entrainement, c'est une situation hors du commun
Nous avons du changer de bouteilles d'oxygène,
En prendre de plus petites afin de progresser dans des
Cales remplies d'huile. A cette profondeur, il ne faut pas
Rester plus de dix minutes, nous faisions des plongées
De vingt minutes. Nous avons remonté le cadavre
D'une femme enceinte, avec la force de la pression
L'enfant mort est sorti de son ventre.
Nos masques se sont emplis de larmes, nous avons
Mis six jours à bonifier l'épave et le septième jour
Nous avons cessé de prier qu'on nous épargne puisque
Chacun d'entre nous avait franchi le dernier cercle des enfers
Nous avons retiré au total 67 corps, ils étaient couverts
D'huile, difficiles à saisir, surtout les enfants. Sous
L'effet de l'eau salée, ils ont commencé à se déformer
Et à prendre les traits qu'ils auront dans nos rêves.

d'après le témoignage du chef de l'équipe de plongeurs chargés
de la récupération des corps.

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