Emmanuel Moses Poems

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1.
Old conversations

He had remembered old conversations with this one and that one,
Viaticums which seemed to him to be past use,
In a room almost entirely occupied by a baby grand piano,
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2.
Tourists

From Bergen they write: we'll be back before the holidays,
we miss you,
from the Côte d'Azur: it's hard to love by proxy
but still
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3.
Alive

At the hour when the world ceases to be
you will be sitting under a plane-tree half unleafed
on a lively, noisy avenue
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4.
Mr. Nobody Allergies

Mr. Nobody, no longer young, develops an allergy to tuna;
he discovers this by accident
in an Italian restaurant in the historic city center.
His face turns red, his eyes go bloodshot
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5.
Mr. Nobody As The Last Mountaineer

In the Destiny Motel, Mr. Nobody carefully reworks the last act
of a play begun six decades earlier in an African country
beneath its flags and lime-whitened acacias.
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6.
Pisz na Berdyczów!

"Pisz na Berdyczów!" That means "Write to me at Berdichev"
Since all the merchants of Poland, Lithuania and Russia
Passed through Berdichev, a main commercial and banking center of the region
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7.
Towards Bxutehude

He kept walking
between the poplars and the tarmac
went by farms fields
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8.
Time In Color

Quick! Colors through the window
Colors on fields and forests
Before the weather changes
And changes everything
...

9.
LE TEMPS EN COULEUR

Vite ! Des couleurs par la fenêtre
Des couleurs sur les champs et les forêts
Avant que le temps change
Et change tout
Qu'il vide de leur substance les champs et les forêts
Les étangs, les fermes
Comme le soleil est fugace !
Comme le ciel se rit de notre regard admiratif
L'éternité n'est qu'un trompe-l'œil
L'immensité, une abstraction douteuse
L'or des blés - vite !
Le rose des pierres de construction - vite !
Le vert froid des frondaisons - vite !
La rouille des buissons, des rails, du ballast - vite !
Le jaune du colza dans les champs presque noirs
L'argent des cours d'eau
Le vert bruni par le limon des rivières poissonneuses - vite !
Le violet des choux en carrés sages - vite !
Le gris des routes - vite !
Le bleu absolu des journées claires de l'automne adouci par le sud - vite !
Le rouge ! Le rouge ! Le rouge des tracteurs, des automobiles, des signaux - vite !
Le rouge d'une casquette de chasseur, le fusil coincé sous l'aisselle - vite !
(Et bientôt le rouge imaginé du sang la bête morte)
Le vert métallique de nos peupliers routiers - vite !
Le bleu des toits en ardoise - vite !
Le bleu des montagnes lointaines - vite !
Bleu de la pierre, bleu de l'horizon,
Bleu de la lumière tombée en fine vapeur sur le monde - vite !
Et le blanc - j'allais oublier le blanc - le blanc des chemins de poussière ou de terre
Le blanc des vaches paressant dans l'herbe des pâturages - vite !
Le blanc omniprésent et méprisé par l'œil
D'un mur entre deux cyprès, de camions roulant à vive allure
Le blanc - vite !
Puis le noir ! Le noir ! Le noir de la terre féconde tournée et retournée - vite !
Le noir d'un cheval que les trains rendent fou
Qui galope en cercles affolés le long des barrières de l'enclos - vite !
Le noir d'une cheminée de village aussi muette qu'une bouche fermée - vite !
Le noir d'un clocher de village qui ne rejoindra jamais les bras du sauveur - vite !
Le blanc, le noir, le vert, le rose, le bleu et l'or -
Vite ! Vite ! Vite !
...

10.
VIEILLES CONVERSATIONS

Il s'était souvenu de vieilles conversations avec les uns
et les autres,
De viatiques qui lui avaient semblé hors d'usage,
Dans une pièce occupée presque entièrement par un
piano quart-de-queue,
Alors qu'au milieu de la place le lampadaire grésillait,
Petite place allemande et orientale ombragée par un pin,
Mais surtout sur le banc à Greenwich,
Le ciel immense, le soir qui tombait
Sur la ligne des peupliers bordant la pelouse
Où des enfants jouaient au foot, des gens promenaient
leur chien,
Quelques vieux prenaient l'air avant de retrouver
l'atmosphère confinée,
L'odeur médicamenteuse de leur chambre,
Un bimoteur amorçait son atterrissage vers un club
voisin,
Mim lui avait dit il faut pouvoir parler de soi
Ou bien on ne parle finalement que de soi,
Le ci-devant briseur de cœur de Moscou à Czernowitz,
Le guitariste aux boucles claires et à la moue enfantine,
À présent un petit homme approchant la cinquantaine,
Courbé, au sourire timide d'émigré,
Avec son pull à grosses mailles, ses bottines bon marché,
Le fatalisme amer de celui qui a connu l'espoir,
L'a vu grandir et s'envoler
Le laissant seul avec son présent hasardeux sinon
pitoyable,
Le deux pièces dans une banlieue ouvrière, la course
après le cachet,
Les économies de bout de chandelle,
Le fils demeuré au pays, la fille partie,
La femme durcie par sa vie d'épouse délaissée, trompée,
Manifestant par chaque geste, chaque parole,
Qu'il est trop tard pour tout recommencer,
Qui se contente de dériver sans opposer la moindre
résistance,
Avec une patience infinie,
Car qu'a-t-elle à attendre qu'elle n'ait perdu,
Même Grad, arpentant l'appartement de long en large,
Probablement déjà envahi par les métastases,
Avait montré des réticences,
On ne cherche pas impunément à échapper à son Tout-
Puissant,
Serait-ce en embarquant pour les lointains,
En s'étendant sur son bat-flanc et en se laissant prendre
par le sommeil,
Lui s'était brûlé les ailes-
Personne d'autre ici, entre l'hôpital Saint-Louis et
l'Institut Curie
N'avait eu le cran de le faire-
Et nul ne serait sauvé à moins de s'engager sur le même
chemin,
Âpre, dur.
...

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