Michel Deguy

Michel Deguy Poems

Il y a longtemps que tu n'existes pas
Visage quelquefois célèbre et suffisant
Comment je t'aime Je ne sais Depuis longtemps
Je t'aime avec indifférence Je t'aime à haine
Par omission par murmure par lâcheté
Avec obstination Contre toute vraisemblance
Je t'aime en te perdant pour perdre
Ce moi qui refuse d'être des nôtres entraîné
De poupe (ce balcon chantourné sur le sel)
Ex-qui de dos traîné entre deux eaux
Maintenant quoi
Bouche punie
Bouche punie cœur arpentant l'orbite
Une question à tout frayant en vain le tiers
...

For a long time you have been nonexistent
A face sometimes famous and sufficient unto itself
How I love you I don't know For a long time
I have loved you with indifference I love you to hatred
By omission by murmur out of cowardice
Obstinately Against all probability
I love you losing you to lose
I who refuse to be ours dragged
From stern (a balcony jig-sawed on salt)
Ex-who dragged backwards between two waters
Now what
Mouth punished
Mouth punished heart pacing the orbit
A question to all vainly opening up third party
...

Nous inventons la maîtrsie
De l'échelle où nous disparaissons
L'essentiellement rompue la poésie
Sa fusée aux yeux pers dans la nuit
Inquiète cette échelle encore
- observateur observant un centre
en train de se prendre pour un centre

Glossaire joué à l'écarté
Les fines approximations rapprochent
Fente rupture feinte il s'escrime
Pour s'offrir aux coups il dé
Nomme il dé
Çoit dé
Vie le présentable
s'exhortant:
dis
con
viens:
...

4.

We invent the mastery
Of the scale in which we disappear
The essentially broken poetry
Its rocket with bluegreen eyes in the night
Disquiets this scale still
- observer observing a centre
believing it's a centre

Glossary plays ecarte
The fine approximations draw in
Rip feigned rupture travails
to offer itself to knocks it de
Nominates it de
Ceives de
Viates the presentable
exhorting itself:
sir
come
vent:
...

5.

Tu rentres. Tu quittes le rivage. Tu retournes en terre. Les amers quittent la mer.
Soudain cette moitié du monde qui était en mer redevient terre - forêts, champs, campagne. A
son tour celle-ci devient l'océan. Tu reviens au monde des vivants comme un Grec débarqué
tournait le dos à l'inféconde. L'immensité se fait solide, moissonneuse, verte et blonde,
guéable. Les nuages sont utile. Tu écartes les buissons de la lisière, rentres dans le bois,
retournes à l'épais - l'impénétrable. La forêt de chênes chante.
En même temps c'est le temps, le double régime chaque moitié est le tout, dans
l'indivsion.
Celle de la sérénité hölderlinienne: l'oubli de la menace, le vaste, la pérennité, le pour-
toujours du s'entr'aimer multiple, pareil au spectacle quand le monde se donne en spectacle,
l'oisiveté léopardienne; c'est quand les champs et les eaux, les forêts et les fleurs, les nuages
et les neiges assonent dans le zèle des saisons.
Avec celle-ci: repoussé, pressenti, ulcérant, le contre-courant funèbre, le complot du
destin, affliction et nuisance, la conspiration de la perte, voici la morition des proches, la
contagion des maux, l'acerbe érosion, la calomnie générale, l'abréviation de la vie,
l'encombre, la terre périmée, l'extermination du passé, le périr.
...

6.

You return. You leave the shore. You return to earth. The bitters quit the sea. Suddenly
that half of the earth that was sea returns to earth - forest, fields, countryside. In turn this turns
into ocean. You return to the world of the living as a disembarked Greek turned away from
the infertile. Immensity becomes solid, harvester, green and gold, fordable. The clouds are
useful. You push the bushes away from the edge, enter the wood, return to thickness - the
inpenetrable. The oak wood sings.
At the same time it is time, the double system each half is the whole, in
un-division.
That of Hölderlinian serenity: the forgetting of threat, vastness, durability, the forever
of multiple mutual loving, the same spectacle as when the world makes a spectacle of itself,
Leopardian leisure; when the meadows and waters, forests and flowers, clouds and snows
assonate in the zeal of seasons.
With this: repulsed, sensed, ulcerating, the funereal counter-current, the plot of destiny,
affliction and disturbance, the conspiracy of loss, here are morition of relatives, contagion of
ills, acerbic erosion, general calumny, abbreviation of life, encumbrance, earth past its date,
extermination of the past, dying.
...

7.

Pourquoi revient cette formule aimée
"Au bord du monde encore une fois"
Qu'est ce bord, qu'est ce ‘bord', être-au-bord
La bordure chez Baudelaire et
La terrasse des princes de Rimbaud
Avec vue sur le monde et le tout comme
Ayant passé par ici qui repassera par là
...

8.

Why this loved formula comes back
"At the edge of the world once more"
What is edge, what is ‘edge', being on edge
The edge in Baudelaire and
The princes' terrace in Rimbaud
With a view of the world and all as if
Come and come again
...

Intimité plus grande avec les astres
Et dans la nuit sondée plus profond
Dans la nuit rapprochée la terre
Débouche sur le soleil cette étoile agrandie

Au cœur de la nuit le jour
Nuit de la nuit connaît
Une étoile plus brillante
...

Greater intimacy with the stars
And in the deeper sounded night
In the night closer drawn the earth
Emerges into the sun that enlarged star

At the heart of night day
Night of night knows
A star more brilliant
...

C'est entre nous
L'air entre les mains salut
Et la main entre les saluts
Et le salut par intervalle
Rien avec rien jouant à
S'envoyer la belle apparition
...

It is between us
Air between the hands wave
And the hand between waves
And waving by intervals
Nothing with nothing playing at
Laying the fair apparition
...

Ce qui a lieu d'être
Ne va pas sans dire

Ce qu'on ne peut pas dire . . .
Il faut l'écrire

La partie donne sur le tout
Qui donne la partie

Savoir à quoi ça ressemble
C'est notre savoir - non absolu

Il faut de la semblance
Pour faire de la contiguïté

Le poème est des choses prochaines
Qu'il faut aller chercher

*

La comparaison entretient l'incomparable
La distinction des choses entre elles
Poésie interdit l'identification
Pour la douceur du comme rigoureuse
Commun? Comme-un
C'est tout comme
Faire comme si
C'était comme-un

Poésie se prive pour être comme
Comme un amant dévore sans dévorer
Pour signifier la lettre de l'amour
Ut musica ut pictura ut poiesis

Contraint par corps grâce à la perte
A vicarier les sens en sens
Se privant de ce qui lui manque
Le poème en confie le défaut à sa langue
Pour que l'aveugle soit nommé le voyant

*

Nous ne nous en sortirons jamais
C'est ce que je nous souhaite mais
Pratiquer une issue de secours
Pour s'en tirer sans s'en sortir
Si tout a toujours échoué

"Ne pas croire à la prison comme destin scellé
Croire à une possibilité de libération
Qui n'aurait pas de sens
Si nous n'étions pas (comme) des prisonniers"

*

Chemin qui ne mène nulle part
Sans issue est le sommet
...

14.

What should be
Does not go without saying

What cannot be said . . .
Should be written

The part leads to the whole
Which yields the part

Knowing what it's like
Is our knowledge - non-absolute

There must be semblance
To achieve contiguity

The poem is of things coming
Which need to be fetched

*

Comparison maintains the incomparable
The distinction of things between them
Poetry forbids identification
On the sweetness of like harsh
Common? Come-on
It's all come
Come as if
It were a come-on

Poetry deprives itself to be-come
As a lover devours without devouring
To signify the letter of love
Ut musica ut pictura ut poiesis

Under bodily constraint due to loss
To vicariate sense into sense
Depriving itself of what's missing
The poem entrusts its lack to language
So the blind man may be known as the seer

*

We'll never get out of it
That's what I wish for us but
Open an emergency exit
To get out without leaving
If all has always failed

"Do not believe in jail as a sealed destiny
Believe in a possibility of liberation
Which would have no meaning
If we were not (like) prisoners"

*

A road goes nowhere
No exit at the top
...

15.

Tu me manques mais maintenant
Pas plus que ceux que je ne connais pas
Je les invente criblant de tes faces
La terre qui fut riche en mondes
(Quand chaque roi guidait une île
A l'estime de ses biens (cendre d'
Oiseaux, manganèse et salamandre)
Et que des naufragés fédéraient les bords)

Maintenant tu me manques mais
Comme ceux que je ne connais pas
Dont j'imagine avec ton visage l'impatience
J'ai jeté tes dents aux rêveries
Je t'ai traité par-dessus l'épaule

(Il y a des vestales qui reconduisent au Pacifique
Son eau fume C'est après le départ des fidèles
L'océan bave comme un mongol aux oreillers du lit
Charogne en boule et poils au caniveau de sel
Un éléphant blasphème Poséidon)

Tu ne me manques pas plus que ceux
Que je ne connais pas maintenant
Orphique tu l'es devenu J'ai jeté
Ton absence démembrée en plusieurs vals
Tu m'as changé en hôte Je sais
Ou j'invente
...

16.

I miss you but now
No more than those I don't know
I invent them scattering the faces of you
Across the earth that was rich in worlds
(When each king guided an island
By guesswork of its goods (ash of
Bird, manganese and salamander)
And the shipwrecked federated the edges)

Now I miss you but
Like those I don't know
Whose impatience I imagine with your face
I have thrown your teeth to dreams
I have treated you off-the-shoulder

(There are vessels leading back to the Pacific
Its water steams After the faithful have left
The ocean slavers like a Mongol on the bed pillows
Dead meat balled up and hair in the salt gutter
An elephant blasphemies Poseidon)

I don't miss you more than those
I don't know now
Orphic you became I threw
You dismembered absence in several vales
You changed me to host I know
Or make it up
...

17.

Un soir où nous avions mis une seule ceinture
Tu me chuchotais un conte à l'oreille de neige
Et me disais je suis émue
Et nous avions enjambé déjà plusieurs grands intervalles
Fait des arches d'absence plus grandes que celles d'Avignon
Et sommes revenus à nous par des gués en crue
...

18.

One evening as we were wearing a single belt
You whispered a tale in my ear of snow
And said I'm moved
And we had already stridden over several wide intervals
Made of arches of absence wider than those at Avignon
And came back to ourselves by rising fords
...

The Best Poem Of Michel Deguy

QUI QUOI

Il y a longtemps que tu n'existes pas
Visage quelquefois célèbre et suffisant
Comment je t'aime Je ne sais Depuis longtemps
Je t'aime avec indifférence Je t'aime à haine
Par omission par murmure par lâcheté
Avec obstination Contre toute vraisemblance
Je t'aime en te perdant pour perdre
Ce moi qui refuse d'être des nôtres entraîné
De poupe (ce balcon chantourné sur le sel)
Ex-qui de dos traîné entre deux eaux
Maintenant quoi
Bouche punie
Bouche punie cœur arpentant l'orbite
Une question à tout frayant en vain le tiers

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