LA VILLE, DE LA VILLE Poem by Michèle Métail

LA VILLE, DE LA VILLE

(plan parcellaire)
effeuillé d'hiver
se dresse là entre
des murs, triangle
angles sombres où
s'étagent à mi-bois
des rameaux épais
quand aux pointes
un bourgeon fendu
jour, jour suivant
éclose l'éclosion

12 avril 2000 : marronnier dans la cour



sur l'oubli, un trou
par le creusement
à creuser ce creux
l'abîme de mémoire
évidée d'évidence
et ces empreintes
que le temps trace
pour l'effacement
de mettre, omettre
au chantier, passé

20 avril 2000 : Potsdamer Platz



occupé au cordeau
de la digue, un coin
confiné, parcelle
à la ligne alignée
se détache du vert
ombragé et massif
colonie arpentée
dans ses bordures
prises en limites
rêve clos, clôture

30 avril 2000 : Laubenkolonie,
jardins ouvriers de Spandauer Damm



à claque mur, murée
s'y vrille la vigne
vierge et support
de couvrir, loggia
où l'abandon à demi
un fauteuil, tendu
tendant sur la rue
réfractée, l'image
de l'usure si vraie
à s'user tout à fait

9 mai 2000 : Potsdam.Villa à vendre



qu'un cri, détresse
à la voie publique
les mains en appel
par l'indignation
aspire, il s'espère
s'exaspère, un élan
vers lequel, geste
au moindre manque
écouté inaudible
tue-tête et se tait

29 mai 2000 : ‘Der Rufer', (Celui qui crie)
Statue de Gerhard Marcks. Strasse des 17. Juni



motif de symétrie
aux perspectives
la percée urbaine
déjà monumentale
axe et rectiligne
carcan quadrillé
de la parade, stucs
allée où triomphe
inattendu, si doux
un parfum, tilleul

18 juin 2000 : Karl Marx Allee



haut dans le chaos
jailli vif d'en eau
un ruissellement
à l'écume courante
de falaises, pente
au passage du pont
bruine de sa chute
s'évapore l'humide
caniculaire l'air
sur la rue insolée

3 juillet 2000 : la cascade de Viktoria Park



scandés, percutés
aux corps, des sons
les graves, rythme
dans le mouvement
de répéter, marqué
sur une pulsation
à faire et refaire
ceci, la vie l'envie
du monde, un projet
échoué drôlement

8 juillet 2000 : Love Parade. Tiergarten



distraite de voir
tel que l'œil, bref
porté vers l'ouest
près de la fenêtre
plein ciel au gris
où brille un avion
quand surgit d'ici
inverse au trajet
vol lourd d'une oie
battant l'air lent

11 août 2000 : par la fenêtre du bureau



voûtes et rosaces
un portique, ruine
laissée vide hors
d'un pigeon, fiente
lignes blanchies
de la destination
dévoyée des voies
égarée autrement
la gare terrassée
son terminus vain

13 août 2000 : Porticus Anhalter Bahnhof
Portique de l'ancienne gare d' Anhalt



déniché de la cime
à la volée, corbeau
la cloche envolée
quand bien volent
les feuilles hors
une feuillée déjà
jaune, jaunissant
sitôt de l'automne
et dix-huit heures
au son du carillon

15 octobre 2000 : Haus der Kulturen
der Welt. Le carillon



fragile de ce jour
où diminue plombé
en débit monotone
gris comme il a plu
aux pavés inégaux
et la rue souvenue
de l'été seulement
lumière laiteuse
tarie de l'absence
rien ni contraste

28 octobre 2000 : dans les rues
de Charlottenburg



reflet de cristal
la nuit, la coupole
enflammée des ors
désormais hantée
nausée, l'histoire
ressasse rôdeuse
tandis qu'un signe
pour que s'ébranle
même chancelante
si lente la marche

9 novembre 2000 : manifestation contre
le racisme devant la synagogue. Oranienburgerstrasse



moins de la saison
les cerisiers vus
à la double rangée
arrangée d'un pont
en bouquet, fleurs
trop tôt avancées
s'arrêtent gelées
outre les flocons
seuil sans degrés
zéro fané du froid

13 décembre 2000 : retour en tram de Pankow



écran soir et noir
le trajet fatigué
se signale sonore
riverain des rues
où la ville livrée
en photos banales
au virage, visages
s'effacent, mi-nuit
même des lumières
quand s'éteignent

16 décembre 2000 : 79 cerisiers en fleurs
en contrebas du Bösebrücke. Norwegerstrasse



en affiches la vie
placardée de joie
si facile, si douce
où défile une rame
s'arrête et change
alors d'un couloir
langueur des sons
comme l'accordéon
la voix obsédante
seule sa solitude

10 janvier 2001 : un musicien russe à la
station de métro Heidelbergerplatz




gris pulvérulent
et plutôt minéral
par couches fines
les grains grenus
au crissement dur
étalés d'asphalte
ou les pavés, le pas
verglas s'y frotte
qui déroute épars
après la sableuse

24 janvier 2001 : Storkwinkel par
temps de neige



neige, tard de l'est
qui couvre encore
au sol et marquage
les files à suivre
sans voir des rues
effacées, signaux
où tourner, cadran
écoulé aux heures
libre ni interdit
pour penser à l'été

25 mars 2001 : Passage à l'heure d'été.
Tempête de neige. Rathenauplatz

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