Stražilovo2 Poem by MILOŠ CRNJANSKI

Stražilovo2

J'erre, encore svelte, avec l'arc d'argent,
je guette, à l'affût, les cerisiers en fleurs,
mais, au-delà des monts, ma patrie je pressens,
où, sous les peupliers solitaires,
j'ensevelirai mon rire.

Ici aussi, le soir printanier
de froid me fait trembler,
comme si, dans la vallée, le Danube passait, en secret.
Mais, là où les nuages s'abîment dans l'Arno,
et où frémit, là-haut, la verdure sévère,
je vois le pont qui mène, par-delà l'horizon,
dans les lourds ombrages des montagnes de Fruška.

Et, au lieu de saluer la Lune de Toscane,
qui luit dans la rivière, épanouie comme un lys,
au printemps, je le sais, viendra la toux insane,
et ma silhouette svelte, je la vois qui s'érode,
devant moi, fidèle et triste,
par son ombre et son pas, au fond de l'eau qui sonne,
dans les ciels purs.

Et, ainsi, déjà je sens
le trouble de mon âme, proche et pressant.
Et, ainsi, déjà je vis,
égaré, au-dessus de ces flots, couleur de pigeon gris.

Longtemps avec moi j'ai mené cette ombre voûtée,
et j'aurais pu, dans mes montagnes, goûter
la nuit, l'orgie, et le pampre des vignes,
et le ruisseau qui, à notre place, maintenant, murmure dans les
ravines.

Et, ainsi, sans tristesse,
d'une longue souffrance mes yeux s'obscurcissent.
Et, ainsi, sans luxure,
ma bouche rougit d'une amère pourriture.

J'erre, encore svelte, avec l'arc d'argent,
je guette à l'affût, les cerisiers en fleurs,
mais, au-delà des monts, ma patrie je pressens,
où, sous les peupliers solitaires,
j'ensevelirai mon rire.

De longtemps, ce que des eaux et des nuages j'ai érigé,
sur les monts, je l'ai vu, s'est dispersé.
Et, par un chagrin dans ma jeunesse survenu,
en une faible brise l'amour m'exténue,
impalpable et léger.

Dans les plis pourpres de l'aurore, je le sais,
une main étrangère et lasse a versé
sur mes cheveux un pâle crépuscule.
Deux mamelles douloureuses et dormantes n'ont pas permis
à ma gaîté, pleine d'ivresse et de démence,
de se jeter avec un cri
sur les cerisiers restés au pays de mon enfance.

Et, au lieu de mener comme avant, sous mon regard vert,
la rivière qui s'écoule,
de bondir comme la Lune, sur les versants déserts,
et d'attiser le feu des forêts embrasées,
maintenant, sous le givre bleu et la neige épaisse,
en souriant j'apaise
tout ce qui passe.

Et ainsi, sans attaches,
me rejoint pourtant le douloureux frisson natal.
Et ainsi, sans foyer,
le destin pourtant me deviendra familier.

Non, nulle tristesse ne m'habitait avant ma naissance,
une main étrangère sur moi l'a versée.
A pas lents, je le sais, je vais vers une longue souffrance,
et ma tête fléchira, je le sais, quand les feuillages auront fané.

Et ainsi, sans douleur,
je reviendrai dolent vers nos vergers en fleurs.
Et ainsi, sans sérénité,
de peine se consumera ce que ma main aura touché.

De longtemps, ce que des eaux et des nuages j'ai érigé,
sur les monts, j'ai vu, s'est dispersé.
Et par un chagrin dans ma jeunesse survenu,
en une faible brise l'amour m'exténue,
impalpable et léger .

J'erre encore svelte sur les ponts étrangers,
je m'allonge sur les fleuves parfumés, et me tais,
mais dans l'onde, déjà, je vois mon pays
que j'ai quitté, couvert de feuilles jaunies,
éparpillées.

Ici aussi, sur le flanc d'une jeune fille,
j'efface la pourpre du lys,
avec l'aube, las et sans délices.
Mais, quand dans la mer et l'herbe du matin naissant,
je plonge la barque de la Lune d'argent,
je m'assieds sur un nuage, et contemple les lueurs,
qui dans le ciel jaillissent de mon ardeur.

Et, au lieu de ma vie, depuis longtemps je vis,
les tourmentes et les ombres des vignes alourdies.
Je poursuis le destin, même chez nous aboli,
d'une jeunesse sans cesse maladive,
avec ma naIssance survenue,
dans les feuilles éparses du tombeau de Branko,
qui jonchent ma vie.

Et ainsi, sans sépulcre,
la gaîté en moi est lugubre.
Et ainsi, sans corps,
mon âme est invisible et morne.

Un printemps, je l'ai su amèrement,
aux fifres d'un flanc virginal j'ai livré ma santé.
Dans les vignes, en un cri ma poitrine j'ai déchirée,
nu, au fond du ciel, de ma terre natale enivré.

Et ainsi, sans visage,
sur ma face l'ombre du bouc, des cerisiers, et des oiseaux, passe.
Et ainsi, sans relâche,
aux horizons, en titubant je marche.

J'erre, encore svelte, sur les ponts étrangers,
je m'allonge sur les fleuves parfumées, et me tais,
mais dans l'onde, déjà, je vois mon pays,
que j'ai quitté, couvert de feuilles jaunies,
éparpillées.

Je tremble, encore svelte, des ciels et des rivières.
En un dernier élan et un ultime espoir, je caresse les airs,
mais de tristesse je périrai, ici aussi je le pressens,
pour cette jeune foule, un jour il y a longtemps,
sous les treilles de Sirmie.

Pour un tendre corps,
qui, pour la première fois, de son baiser
fit vaciller les griottes et les guignes,
et, à travers l'horizon, bondit par les marais et les gâtines.
Pour sa présence qui d'un trouble sourire,
sur l'outre de vin répandit le feuillage jaunissant,
sautant le ruisseau, pour la première fois, en riant.

Et au lieu de ma vie, aux horizons, je sais,
j'ai égrené ce rire sur chaque corps nu,
et au-dessus de ces terres où ondule l'Arno,
plein de ciel et d'étoiles, mon murmure s'exténue,
en mes poumons meurtris,
car, au printemps, à nouveau tout revit,
partout où l'amour me saisit.

Et ainsi, sans parler,
les morts inconnues seront guéries par ma pensée.
Et ainsi, sans laisser de traces,
ma main éparpillera le corps vivant de mes aimées.

Car mon amour en secret mêlera,
de par le monde, les ruisseaux et les aurores,
et sur la vie, en une légèreté infinie, déposera,
chez nous aussi, le ciel et l'ombre de Fruška Gora.

Et ainsi, sans bruire,
de la voûte céleste tombera mon rire.
Et ainsi, sans émoi,
la vie en cerisier se changera derrière moi.

Je tremble, encore svelte, des ciels et des rivières.
En un dernier élan et un ultime espoir, je caresse les airs,
mais de tristesse je périrai, ici aussi je le pressens,
pour cette jeune foule, un jour il y a longtemps,
sous les treilles de Sirmie.

J'erre, encore svelte, avec un trouble sourire,
au-dessus des nuages blancs, je croise mes bras,
mais lentement, en une clarté je sens déjà
que je meurs moi aussi, l'esprit assombri,
lourd et alangui.

Ici aussi, je vois une rivière
qui sous mon corps s'en va fraîchir la terre,
infinie, argentée et légère.
Mais, quand de cerises elle recouvre mon esprit affaibli,
quand ici aussi, près de la Lune s'allume une étoile voisine,
je perçois: dans la mort hâtive,
toute jeunesse, étrangère ou mienne, est semblable et amère

Et, au lieu de mon destin, dans ses nouveaux tourments,
je croise mon passé, diaphane et déchirant.
Mais, au-delà de ce pays soyeux et vaporeux,
quand, craintif, j'étends le corps d'une jeune fille,
dans la paix d'un olivier,
à nouveau, au loin, je vois ce feuillage fané,
et ma terre sous ses nuées.

Et ainsi, sans bouger,
d'un baiser j'élève ce pays dans les vents printaniers.
Et ainsi, sans un signal,
j'appelle mon amante, nue, du fond de la tiède nuit toscane.

Poussière, tout est poussière, quand je lève ma main,
et la passe sur les rivières et les monts cristallins.
Comme ils sont faibles alors, les cerisiers, qui avec moi se traînent
de par le monde, et avec la terre se plaignent.

Et ainsi, sans nuit,
mon esprit me couvre de sombres fruits.
Et ainsi, sans nom,
d'une même tristesse, je caresse d'invisibles monts.

J'erre, encore svelte, avec un trouble sourire,
au-dessus des nuages blancs je croise mes bras,
mais lentement, en une clarté je sens déjà
que je meurs, moi aussi, l'esprit assombri,
lourd et alangui.

J'erre, encore svelte, avec un murmure passionné
et mes chevilles tressaillent, de rires inondées,
mais lentement, je le pressens, sur la trace de mes pas:
quand tout sera f1étri, le silence me rattrapera,
moi aussi, moi aussi.

Ici aussi, en chaque fruit repose
cette couleur enclose,
couleur de ciel, amère et infinie.
Et quand de mes deux mains j'écarte les vallées,
et révèle des gouffres les fonds argentés et lactés,
de nouveau, dans l'abîme, repose une tristesse,
indicible et légère,
dans l'air qui pénètre et le fruit et la chair.

Et, au lieu des rayons argentés, des vallons et des ondes,
je croise, comme en rêve, les miennes et lasses pensées.
Mais, sur les cerisiers et les jeunes vergers,
une longue brume sombre se répand par le monde,
dans la vie qui devant nous s'étend,
où la passion s'endort en une lente mort,
et où s'apaisent les sens.

Et ainsi, sans prémisses,
de paix, de neige et de givre j'entoure ma jeunesse.
Et ainsi, sans chemins,
erre ma caresse, sur la mort et ses confins.

La paix, partout la paix, quand j'éparpille ce qui fut,
et repose ma tête sur tout ce qui m'advient;
sur toutes ces contr

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