Serge Delaive Poems

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1.
FÉERIE

Sept femmes nues
Avec pour toute parure
Un torque autour du cou
Avancent vers moi dans la forêt
Elles sont belles à se damner
Les cheveux blonds ou roux
Comme des traînes en allées
Dans le vent qui se replie
Elles chantent des couplets perdus
Et ravivent les anciens dieux vaincus
Celle-ci au visage couvert d'éphélides
Se tient debout face à moi elle dit
"Je t'ai reconnu. Ton nom est Colère "
Elle entoure mon sexe de sa main
Ses yeux verts arrimés aux miens
Pendant que tous les corps s'enlacent
Et que sourdent les murmures
Je demeure immobile incapable de choisir
Entre ma civilisation et celle oubliée
Mais quelqu'un entaille mon poignet
Lape le sang qui s'égoutte
Avant de le répandre avec la langue
Dans chaque orifice de mon corps
Elle qui m'a parlé recueille ma semence
Et la répand sur mon torse
Avant de rejoindre le groupe lascif
Me laissant stupide sous les feuillages
Surveillé par l'œil à demi assoupi du hibou
Semblable à l'œil de la guerre
Des rires s'éloignent dans la pénombre
Je devine encore une voix moqueuse
Aube rauque et cristalline
Écorchée sur la peau du monde
Ce très long serpent vorace
La voix confuse me parvient par bribes
Portées par le vent qui réunit :
"Colère, tu continueras à rôder sur les chemins
Jusqu'au jour où tu trouveras ton véritable nom"
Mais déjà toute magie s'est égarée
Au plus profond de la plus sombre des forêts.
...

2.
FAIRYLAND

Seven naked women
all wearing for finery
a torque around the neck
advancing towards me in a forest
they are wickedly beautiful
redheads or blondes
like the leafy borders avenues
in the wind which enfolds them
they sing lost couplets
and revive ancient vanquished gods
this one with a freckled face
stands before me and says
‘I recognize you. Your name is Anger'
She takes my sex in her hand
her green eyes moored to mine
whilst both bodies entwine
and murmurs softly depart
I remain still unable to choose
between my civilization and one forgotten
but someone cuts my wrist
laps the blood that runs
before spreading it with the tongue
into every orifice of my body
she who spoke to me gathers my seed
and smears it over my torso
before rejoining the lustful group
leaving me foolish beneath the leafage
surveyed by the half asleep eye of an owl
resembling the eye of war
laughter grows distant in the half-light
I can still discern a mocking voice
dawn husky and crystalline
flayed on the skin of the world
this long voracious serpent
the confused voice reaches me in fragments
carried on the wind which reunites
‘Anger, you will continue to wander the paths
until the day you find your true name'
But already all magic was lost
to the deepest depths of the darkest forests
...

3.
PAIN CONFITURE

Le baromètre électronique prévoit un soleil rond
ce matin que j'ai soulevé comme tous les matins
dessous ma couette où j'avais enseveli mon rêve
je suis descendu dans la cuisine sous la lumière crasseuse
puis j'ai fait couler un café noir
tasse en main j'ai fumé une cigarette dans la cour
le ciel bleu cobalt se délavait par l'orient
pendant que la lune et vénus témoignaient en silence
dans la douleur du monde qui les ignore
à table je me suis préparé une tartine de confiture
que j'ai avalée sans envie en trois bouchées
j'ai réveillé les enfants tour à tour
la semence du jour était jetée
ne me restait plus qu'à la cueillir
sous l'œil grand ouvert d'un soleil étonné.
...

4.
JAM BREAD

The electronic barometer predicts a round sun
this morning that I gathered up like every morning
under my quilt where I buried my dream
I went down to the kitchen in the grimy light
then I ran a black coffee
cup in hand I smoked a cigarette in the yard
the cobalt blue sky faded from the East
while the moon and Venus witnessed in silence
the world's pain to which they are indifferent
at the table I fixed up a jam tartine
which impassively I wolfed down in three
I woke the children one by one
the seed of the day was scattered
there was nothing left but to garner it
beneath the great staring eye of a surprised sun.
...

5.
BALLADE DE L'HOMME MORT

Comme je marchais sur le promontoire
je m'aperçus que mon père s'était tenu là
au même endroit bien des années plus tôt
et son fantôme m'a traversé
alors que la mer furieuse implorait
mais il y a si longtemps que je suis mort
mort dedans mort devant et tout autour
si longtemps que je traîne mes chaînes
sur la crête de cette falaise au bord du vide
et que le poids du ciel toujours pareil
appuie sur l'armature de mon squelette
pour m'entraîner vers les précipices qui me hantent
quand je lutte au petit matin contre mon ventre
tous les matins toujours pareils
avec la mort qui me tend la main
moi tel l'enfant craintif
qui s'égare dans le labyrinthe
en une féerie triste au fond de sa tête
à travers l'épure oblique des regards
ici sur le rebond de la falaise crayeuse
car tout chemin même immobile
signifie pour moi une falaise compliquée
dont la pente mène vers la mer
vaste drap ondulant dans les fronces du vent
tissu étendu comme un catafalque
par-dessus des gouffres encore
et je marchais sur le promontoire
où mon père s'était tenu avant moi
tous les matins toujours pareils
quand son fantôme m'a traversé
au moment de la renverse de marée
qui happait les corps patients dans le jusant
alors je me suis agenouillé sur le sol
je savais que bientôt mon tour viendrait.
...

6.
BALLAD OF A DEAD MAN

As I walked along the promontory
I noticed my father was standing there
at the same place as years before
and his ghost passed through me
while the raging sea was imploring
but it was so long ago now that I died
death inside death before and around
so long since I dragged my chains
over the ridge of this cliff beside the void
and that burden of the sky ever the same
weighing on my skeleton's frame
to drag me into the precipices which haunt me
when I struggle at daybreak against my belly
all those mornings ever the same
with death who takes me by the hand
me, such a fearful child
who wanders in the labyrinth
through a sad fairyland deep in his head
across the slanting sketch of glances
here on the bulge of chalky cliff
for all paths even when resting still
mean for me a complicated cliff
whose slope leads down to the sea
vast sheet billowing in the frowns of wind
cloth spread like a catafalque
even now above the chasms
and I was walking along the promontory
where my father had stood before me
all those mornings ever the same
when his ghost passed through me
at the moment of the tide's turning
which snatched the patient bodies in the ebb tide
I was kneeled there on the ground
I knew that soon my turn would come.
...

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